mercredi 23 juin 2010

Tonique / Clonique.

Ça m’était arrivé lorsque j’étais trieur dans les caves du XXXXXXXXX, gros bouquiniste basé à XXXXXXXX – le type s’affaisse et entre en phase tonique, j’essaie de localiser au plus vite une petite cuiller, mais il est déjà en clonique, il se convulse et ses yeux partent à la renverse et les pompiers sont déjà là. C’est l’angoisse, un client qui tombe comme ça sur le sol de béton lustré. J’agite le verre d’eau en criant son nom, mais il n’y a rien à faire. Il est dans un état qui tient du voyage astral. Tirer sur la cordelette s’avèrera inutile. Ça ne fera que rompre le lien avec le ballon d’helium.

Eugène Sue Savour Club.



Je ne sais pas si le débat a déjà été lancé sur les images produites par les scanners. Le scanner (comme dans « air », le scanneur (comme dans « heure ») et le scanné sont trois entités comparables aux comparé, comparant et comparateur. Il arrive que le scanner, par le truchement fractal de ses circuits imprimés, et des hasards de sa luminosité (emplacement par rapport à la baie, fatigue de ses lentilles optiques…), ne parvienne pas à retranscrire les couleurs de l’objet avec suffisamment d’exactitude, ou ruine quelque peu sa réputation, comme c’est le cas avec ces « Œuvres » d’Eugène Sue.

samedi 19 juin 2010

Scanner Darkly.

L’oncle d’une ancienne amie, écrivain de métier, avait pour habitude, quelles que soient les circonstances, de disparaître une ou deux heures par jour, minimum. Dans le cours d’un dîner en famille ou d’une terrasse de bistrot, il se levait soudainement et prenait la tangente. Il réapparaissait une ou deux heures plus tard. Une page ou deux, dans un cahier ou dans un traitement de texte, avaient été remplies. Je l’ai naturellement, et absolument consciemment, imité, sauf que je n’écris plus, pour le moment. Je scanne des premières de couvertures. J’ai les yeux rivés sur le compteur. Je ne sais plus trop à quoi ça sert.

vendredi 11 juin 2010

Signalétique.

Après un an de disparition à ce blog, je reprends la frappe. […]
On a pu me reprocher de ne pas ordonner ma bouquinerie, et ceci, et cela, et de me cacher derrière mes piles de livres, et ça fait bien ricaner les gens.
Aujourd’hui, une petite pancarte improvisée sur la porte d’entrée dit, « Aujourd’hui, biorythme frénétiquement approximatif. » Ce que je voulais dire par là, c’était, « ne vous formalisez pas si la boutique est fermée, j’ai des trucs à faire, » sous-entendu, je dois descendre des cartons de stock dans mon garage qui en dégorge déjà, et faire des allers-retours pour chercher des perforateurs et des ciseaux oubliés en haut ou en bas. Des machins divers dont j’avais le pressentiment qu’il était même inutile de tenter de dresser la liste à l’avance.
Mais je m’égare. Aujourd’hui, j’ai enfin procédé à un affichage. La signalétique est somptueuse et on ne pourra plus me critiquer, tout est à sa juste place. J’ai affublé le pan autrefois nommé « K » d’un panneau clouté POISSONS et le « A » d’un BŒUF. La PATISSERIE et les ABATS font suite aux LEGUMES en « F, » en « J » et en « G. »
Donc, quand une jeune femme se présente l’air pressé et me demande quelque chose à bouquiner dans l’urgence, sans savoir ce qu’elle veut, je lui dis, « vous tombez bien, je suis justement en train de célébrer ma signalétique flambante, ainsi, vous n’avez plus qu’à vous demander si vous êtes d’humeur plutôt protéinée ou chlorophylienne. » Sur ce, elle ne bronche pas. Du coup, je suis encore plus content qu’on me prenne au sérieux, et je lui tends un exemplaire du catalogue des objets introuvables de Carelman en disant, « ça fera sans doute l’affaire dans votre cas, » elle jette des piécettes derrière le comptoir et s’en va.