Le type me demande si j’ai en stock « l’instinct de mort .» « Je l’ai déjà une douzaine de fois, il développe, mais j’en veux un maximum d’exemplaires. » « Ah non. Pas en ce moment, désolé. »
Ça me renvoie à une idée que j’avais eu concernant l’édition originale de Peter Pan. Une américaine me l’avait achetée pour une centaine d’euros et j’en avais dégoté un autre exemplaire chez une confrère belge, tarifée à 30 euros. J’avais commandé la référence et échafaudé un plan machiavélique – sitôt reçue, je la compacterais. Je me porterais acquéreur de tous les originaux de Peter Pan que je pourrais localiser et leur réserverais le même sort, jusqu’à ce que le marché mondial soit en rupture. MAIS il se trouverait que j’aurais conservé un exemplaire et qu’après une décennie, quand les bibliophiles spécialisés se seraient transmutés en zombies errant sans relâche, à la poursuite ralentie d’une version imprimée du Neverland, je sortirais de derrière les fagots de ma bibliothèque le fameux exemplaire, le DERNIER disponible. Une firme d’assurances japonaise placerait à coup sûr une enchère astronomique sur ladite copie, histoire de l’exposer dans le bureau du DG. Je ferais alors appel au contact d’un contact bossant pour la maréchaussée. Il conduit les pelleteuses mécaniques comme un dieu, et pourrait compacter ma bouquinerie en un tournemain. D’ici à ce qu’il donne l’ultime coup de levier, je serais déjà en position fœtale, flottant dans l’azur chaleureux d’une lagune ou d’une autre, loin des administrations et des corruptions parlementaires.
Il se trouve que la belge m’a assuré qu’elle avait envoyé le Peter Pan, et il se trouve que je ne l’ai jamais reçu. Cet exemplaire a été chouré par un postier véreux, comme il y en a de plus en plus. C’est le fiasco.
Parfois, la nuit, je traîne dans les rues au volant de ma voiture, et il m’arrive de croiser l’éboueur en uniforme. Je me rappelle comment il avait fouillé sa poche en profondeur pour en extirper un louis d’or. L’exhibant dans un rayon solaire pour qu’il réfracte un max de photons, il avait dit, « c’est le genre de truc que tu trouves dans les poubelles. […] Si tu me trouves un Mesrine, je t’en donnerai un. »
mardi 25 janvier 2011
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